Dérives |
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S'il est un indice particulièrement symptômatique de certaines dérives scolaires, c'est bien l'échec de ces enfants dits "surdoués" - terme que je n'aime pas parce qu'il ne veut rien dire ! - ou encore précoces dès qu'ils posent le pied à l'école. Pour en avoir approché quelques-uns de près, je me dois de rappeler quelques données récurrentes : l'enfant dit "surdoué" ou précoce est presque toujours un enfant né de parents instruits, avec un rôle prééminent de la mère. Car c'est presque toujours à la maison - rarement à l'école - que se révèlent ses dispositions intellectuelles hors norme, comme le fait de maîtriser le lu et l'écrit dès trois ans, par exemple, voire plus tôt. Il faut dire que l'école est un univers borné, dans toutes les acceptions du terme. Les enfants, et leurs parents, y découvrent des bornes, notamment administratives, comme le fait de ne pouvoir intégrer le Cours préparatoire qu'à six ans, parmi plein d'autres stupidités, comme si l'on demandait à Leopold Mozart d'attendre que le petit Wolfgang ait six ans pour le mettre au piano ! C'est ainsi que les parents s'entendent répondre qu'il faut avoir six ans pour accéder au CP, alors qu'à cet âge, leur rejeton serait mûr pour entrer en CM2 ! On voit bien que ces contraintes administratives sont instaurées par des gens nécessairement bornées, c'est-à-dire hermétiques à toute fantaisie : pour eux et pour elles ne comptent apparemment que le règlement et le sacro-saint programme : vous savez ?, ce corpus de choses, encore défini de manière rigide et administrative, qui dresse la liste des matières à apprendre entre tel âge et tel âge et à faire ingurgiter aux élèves entre une date (la rentrée des classes) et une autre (la fin de l'année scolaire). Comment s'étonner, dans ces conditions, que certains enfants non "normalisés" soient éjectés du système, comme tous les sujets souffrant d'un handicap ? Sur ce plan, la petite revue de presse (2007-2010) qui suit est particulièrement édifiante. Et il faut savoir que les choses se sont encore dégradées depuis...
Et comment éluder les bornes temporelles que j'évoquais plus haut, lorsqu'elles se manifestent dans toute leur rigidité bureaucratique ? Ce qui fait que tout le monde est contraint d'avancer à la même cadence, alors même qu'on voit bien que, dans une même classe, deux sujets du même âge peuvent afficher plusieurs dizaines de centimètres de différence en taille ! Il n'empêche que le règlement va vous imposer d'intégrer une classe en septembre d'une année, puis d'accéder à la classe supérieure en septembre de l'année suivante, alors même que tout(e) pédagogue un peu expérimenté(e) voit bien qu'à l'instar de la course à pied, l'évolution intellectuelle des élèves ne saurait se faire à la même vitesse, et surtout pas chez les enfants dits précoces ! Pour ma part, je me souviens fort bien n'avoir passé que deux semaines en CE1. Je revois le maître, qui vient me voir après la pause de midi et me prie de ramasser mes affaires et de le suivre. Je ne comprends pas très bien ce qu'il me veut et reste sur place. Il réapparaît quelques minutes plus tard et me lance : "Tu n'as pas compris ? Tu prends tes affaires et tu me suis !". Je rassemble mes affaires et le retrouve devant la porte du CE2. Là, il me prend par le bras et me dirige devant un pupitre vide où il me dit de m'installer. Et là, il lance à son collègue : "Voilà ton nouvel élève !". Et voilà comment je suis arrivé en CE2, un jour de septembre, après seulement deux semaines en CE1. L'instituteur, qui trouvait que je répondais un peu trop vite aux questions, au point de déstabiliser les autres élèves de la classe, s'en est allé voir son collègue du CE2 et lui a dit (c'est lui-même qui le répètera à mon père) : "Dis donc, j'ai là le fils de ... qui me crée quelques problèmes : figure-toi qu'il a déjà tout compris et a réponse à tout. Je crois qu'il serait mieux chez toi, en CE2." Vous vous rendez compte, si j'avais dû me "farcir" une année entière en CE1 ! Bien évidemment, le temps de prendre mes marques et j'ai repris les bonnes habitudes, en me classant très vite parmi les deux ou trois meilleurs élèves de la classe. Question : que tant d'enfants dits précoces connaissent l'échec à l'école devrait être mis sur le compte de qui ?
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