Le mal du siècle ? |
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Entendu à la télé : À cause de l'obésité, l'espérance de vie d'un jeune Américain qui naît aujourd'hui va être inférieure à celle de son père. (Christophe de Jaeger, médecin, C dans l'air, France 5, 2 novembre 2010). Mais il n'y a pas que les Etats-Unis où sévisse une véritable et durable épidémie d'obésité. Voyez la Chine, ce pays qui, après des millénaires de culture de la minceur (les Chinois sont de gros mangeurs de légumes et de grands spécialistes de la cuisine à la vapeur.) se découvre une jeunesse obèse. Ce qui m'amuserait moyennement, dans cette explosion du surpoids en Chine, c'est cette théorie que l'on nous ressort régulièrement, à propos d'une éventuelle origine génétique de l'obésité. Parce que si cette théorie avait quelque fondement, les règles de la génétique étant les mêmes pour tous, il faudrait donc admettre qu'un gène mystérieux aurait investi les chromosomes des Chinois (surtout les ados !) en quelques décennies. Étrange mutation génétique, n'est-il pas ? Il faut bien se rendre à l'évidence : la génétique n'a que très peu de rapport avec l'obésité. Ce serait plutôt la grande ou mauvaise bouffe qui serait en cause, comme on peut le constater partout à travers le monde. Voici ce qu'on peut lire sur un site chinois :
Le gros problème est qu'il faut souvent attendre que les gens soient devenus bien gros et bien dodus pour que la société s'inquiète de la chose, parce qu'entre temps, d'autres pathologies sont venues se greffer au problème initial : diabète, maladies cardiovasculaires, etc., ce qui a un coût sur le budget de santé de ces pays. Je ne suis pas sûr que l'obésité intéresserait autant les pouvoirs publics si elle n'avait aucune incidence économique en termes de surcoût financier ! Mais je suis mauvaise langue sans doute.
Quant aux ados, en France par exemple, le témoignage qui suit est à la fois poignant et d'une grande banalité. "Je suis gros depuis que j'ai sept ans. (...) Diététicien, régime, sport à l'école, toujours ce surpoids... ". On a compris que les gènes n'y étaient pour rien, puisqu'il fut mince entre zéro et six ans. Et bien entendu, les parents non rien remarqué, à commencer par la mère, qui a dû lui préparer tous ses repas. Mais il y a aussi les enseignants, à l'école, les infirmiers/ères scolaires, qui n'ont pas sonné l'alarme ni prévenu les parents, etc. : toute une chaîne d'irresponsabilité. Dans le cas du témoin cité plus haut, il en est, à 14 ans, à 105 kg pour 1.75 m, soit une trentaine de kilos de trop par rapport au poids usuellement admis (75 kg ici). Trente kilos de trop, et personne n'a rien vu venir ? Ah si, j'oubliais : diététicien, régime, sport à l'école... Maintenant, on sait que ça ne marche pas !
Donc, on sait qu'il y a du surpoids et de l'obésité ici et là, mais après ? C'est un bien beau scandale, en effet, que de voir toute une clique d'irresponsables incompétents se borner à des incantations, tout en s'obstinant à ne pas faire le nécessaire contre le surpoids, dès que ce dernier se manifeste, ce qui est tout de même facile à détecter à l'école. Il faut dire que, pour presque tout le monde, l'obésité se limite au fait d'être gros, c'est-à-dire de manière visible et presque pathologique. Il faut bien reconnaître que si l'école peut détecter certains phénomènes, elle ne peut pas intervenir partout, notamment sur le plan nutritionnel. Il existe, par exemple, des populations de jeunes obèses qui, pour des tas de raisons, notamment religieuses, ne mangent pas à la cantine scolaire. Et puis, il y a les séances d'éducation physique, dont on voit bien qu'elles sont notoirement insuffisantes. Il faut certainement y voir un des effets de la mondialisation et de la démocratisation de la mal-bouffe via l'internationalisation d'un certain nombre d'habitudes de consommation, par exemple la prolifération de ces faux restaurants que sont les fast-food. Le fait est qu'obnubilé par l'obésité (visible), l'opinion majoritaire semble passer à côté de quelque chose de bien plus insidieux : les kilos en trop, et dont les sujets concernés auront le plus grand mal à se débarrasser, surtout lorsque ce surpoids s'avère précoce ! Le fait est que, dans le groupe des pays de l'OCDE, on estime à 50 % le taux de personnes en surpoids voire obèses, soit énormément de monde. Par ailleurs, l'expérience montre que c'est bien dans les couches sociales les moins riches, ou les plus pauvres, que l'obésité et le surpoids font le plus de ravages, surtout chez les filles. Une des raisons du "silence" de l'obésité en termes sanitaires voire épidémiologiques tient au fait que l'enfant obèse a souvent des parents eux-mêmes obèses, comme on peut le voir sur l'image ci-dessus, à gauche. Comment la mère de la fillette pourrait-elle imposer quelque régime alimentaire que ce soit à sa fille si les deux mangent la même chose ? Si la mère, en surcharge pondérale, se trouve "normale", chose généralement admise dans diverses communautés, elle verra les rondeurs de sa fille comme tout à fait normales elles aussi. Le surpoids en chiffres ? Un kilo de graisse vaut 9000 kcalories, quand une heure de jogging modéré vous fait perdre de 300 à 600 kcalories. Il faudrait, donc (en simplifiant), courir une heure chaque jour durant un bon mois pour espérer perdre un seul kilo de gras, mais à la condition expresse d'équilibrer le tout sur le plan alimentaire ! On comprend donc pourquoi il est terriblement difficile de perdre du poids, et ce, d'autant plus que les kilos excédentaires (poids mort) vont rendre la locomotion d'autant plus ardue (quand on est "gros", on a un mal fou à courir ne serait-ce qu'un quart d'heure, or, pour perdre du poids, il faudrait courir une, deux voire trois heures tous les jours...) ! Mais alors, va-t-on me dire, la championne de tennis représentée ci-dessous, le sport est pourtant sa profession. Comment expliquer que sa silhouette ait pu évoluer autant ? Son cas montre que le sport seul ne fait pas maigrir, en tout cas, n'empêche pas de grossir, surtout si les sujets concernés n'observent aucune hygiène de vie. Lui a tout essayé, mais a fini par laisser tomber...
Il est une catégorie de gens qui semblent vaccinés contre le surpoids : les mannequins, mais on sait que bon nombre d'entre ces jeunes filles subissent un réel diktat véhiculé par le monde de la mode et prônant une minceur extrême, quand cela ne débouche pas carrément sur de l'anorexie. Par ailleurs, un bon nombre des photos sont retouchées, le but étant de présenter au public médusé des corps de rêve (ça dépend pour qui !). Ci-dessous, j'ai choisi deux spécimens tout à fait parlants. Problème : ces filles ont une plastique tellement parfaite que je suppose qu'elle en deviendrait presque déprimante pour l'immense majorité des femmes, dont on voit bien qu'elles ne ressemblent pas du tout à des naïades ! Voilà qui pourrait expliquer l'échec des programmes de lutte contre l'obésité : comme un rêve inaccessible ! Paroles de médecin. "L'obésité est une maladie chronique. On peut la contenir, mais on n'en guérit pas complètement." Docteur Marie-Aline C., directrice de recherche à l'Inserm, Direct Matin, 16.11.09. Non mais sans blague ! Une maladie chronique ? Ça nous fait combien de bébés obèses à la naissance ? Et est-ce que notre chercheuse à l'Inserm a déjà entendu parler de prévention ? Apparemment oui, puisque la même déclare plus loin, en se contredisant complètement : Il est impératif de changer l'environnement et de continuer les messages de prévention qui invitent à moins de sédentarité ou à un régime alimentaire plus équilibré, afin de baisser le surpoids des générations à venir... Ouf, me voilà rassuré : mieux vaut prévenir que guérir !
Résumé Le problème avec les kilos en trop, c'est qu'on les attrape facilement, mais qu'on les perd plus difficilement, d'où un effet de boule de neige. En clair, quand on a commencé à prendre du poids, logiquement, on ne peut que continuer à en prendre encore plus, sauf changement de cap radical sur le plan alimentaire et comportemental. Seulement voilà : il y a des données conjoncturelles (ex. j'ai pris quelques kilos, je m'en vais les perdre en faisant du sport et en suivant un régime.), qui appellent des réponses individuelles. Mais il y a surtout des données structurelles tenant à l'organisation de la société dans son ensemble (alimentation, déplacements assistés/voiture, ascenseurs, escalators, etc.) et, dans ce cas, les solutions individuelles sont insuffisantes voire inopérantes. Les gens étaient minces autrefois ? C'est, entre autres raisons, parce qu'autrefois il n'y avait pas d'ascenseurs dans les logements ni dans les entreprises, qu'il fallait aller chercher du bois dans la forêt, puiser de l'eau dans la rivière, qu'il fallait marcher pour aller au marché du village d'à côté, etc., toute une flopée d'activités propres à des sociétés dites arriérées, et qui consommaient de l'énergie. Et il faut bien se rendre à l'évidence : des changements civilisationnels de cette ampleur ne sauraient trouver de solution autre que civilisationnelle. Autant dire que j'estime que, faute de modifications structurelles draconiennes (on peut toujours rêver !), la guerre annoncée, tant aux Etats-Unis, qu'en Chine, en Europe et ailleurs, contre l'obésité, est quasiment perdue d'avance.
P. S. Tiens, juste pour rire, enfin, façon de parler. Il se trouve qu'un jour, je me suis fendu d'un petit courrier à l'attention de Madame la Secrétaire d'État à la Jeunesse et aux sports de l'époque, j'ai nommé Mme Rama Yade. Je vous le soumets ci-dessous. Précision utile : cette lettre ne m'a valu aucune réponse de l'intéressée.
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