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Natacha Polony a été autrefois enseignante - entre nous, je doute qu'elle l'ait été très longtemps, mais passons ! -, mais c'est surtout en tant qu'intervenante dans divers médias écrits et audio-visuels qu'elle s'est forgé une certaine notoriété. En tant que représentante d'un certain "système", il lui arrive de livrer des observations intéressantes, comme sur un certain "délit d'initié" qui fait partie de ces secrets de Polichinelle peu évoqués dans les grands médias.

Je cite :

Tout le monde, désormais, connaît ces chiffres consternants : les enfants d’enseignants sont surreprésentés dans les grandes écoles, Normale sup et Polytechnique en tête. Dans un éditorial du magazine Enjeux-les Echos intitulé Le scolaire de la honte, Eric le Boucher, directeur de la rédaction et co-fondateur du site Slate.fr, dénonce le fait que la moitié des élèves de polytechnique ont au moins un de leurs parents enseignant. « Pour parvenir, écrit-il, au sommet des sommets du système scolaire national, la crème de la crème de l’élite, pour intégrer les belles positions, assurées ensuite toute la vie durant, il faut être un enfant du système, avoir le « décodeur » que seuls les « insiders » possèdent : les professeurs. » Le terme, qu’Eric le Boucher n’emploie pas, mais qui s’est répandu pour dénoncer le phénomène, est celui de « délit d’initiés ».

Et de fait, les statistiques sont d’une violence glaçante : un enfant d’enseignant a 92% de chances d’obtenir un baccalauréat, contre 37% pour un fils de chômeur et 51% pour un fils d’ouvrier non qualifié. Et si l’on parle du très convoité bac scientifique, les chiffres sont de 43% pour un enfant d’enseignant et 6% pour un enfant d’ouvrier non qualifié. Le gouffre est plus impressionnant encore en classe préparatoire (la multiplication des bourses et des classes préparatoires – dont beaucoup ne feront jamais entrer un seul de leurs élèves dans ces très grandes écoles – permettant de masquer l’échec en affichant des taux de boursiers alléchants). Oui, les enfants dont au moins un des parents est professeur ont plus de chances d’être de bons élèves, et les bons élèves ont plus de chances de réussir des concours anonymes fondés sur une haute culture générale. Mais le lecteur attentif aura d’emblée remarqué que cette formulation est déjà très différente de celle de l’éditorialiste suscité.
(…)
Bien sûr – et la violence des réactions à la précédente note de ce blog le laisse présager – d’aucuns diront qu’une agrégée, ancien professeur de lycée et actuel professeur en école de commerce et école d’ingénieur, fait partie de ces affreux privilégiés. Et je l’admets bien volontiers. Mais les lignes qui suivent, comme tout ce que j’écris, n’en sont que plus dignes de foi. Oui, je suis une bénéficiaire de ce système injuste. Oui, mon enfant a de fortes chances (sauf écueil du destin, dont il ne faut jamais se croire protégé) de faire une scolarité moins chaotique que la plupart des enfants de sa génération. Ce n’est pas pour lui que je me bats, mais pour tous ceux, justement, que ce système sacrifie. Une fois rappelée cette évidence, nous pouvons donc en passer à l’analyse de cette curieuse image.
(...)
Et nous en arrivons à la révélation de ce secret essentiel pour la réussite scolaire. Lecteur de ce blog, sois bien attentif, car les lignes qui suivent contiennent des informations hautement confidentielles : pour réussir un parcours scolaire, et atteindre ces temples de l’élitisme que sont les grandes écoles, il faut lire, développer sa culture générale, sa connaissance de l’histoire et de la langue, sa logique et son esprit de déduction. Bref, il faut travailler. Et l’enfant dont les parents ont conscience que tout cela nécessite effort et concentration, qu’il faut soutenir dans cet élan un jeune sollicité par les écrans et les divertissements, aura plus de chance qu’aucun autre de ne pas bifurquer vers une voie plus attrayante, celle du bindge drinking ou celle du profit rapide.
(…)
Dénoncer le « délit d’initié » des enseignants, de la part de penseurs issus d'un milieu social favorisé, et dont les enfants ne sont donc pas enfermés dans des Zones d'Echec Programmé, c’est oublier que ces enseignants ne sont pas seuls responsables de l’échec actuel de l’école. Certes, on trouve beaucoup d’adeptes de pédagogies fort sympathiques, mais dont l’application fait des ravages en maternelle ou au CP. Certes, des parents dont l’enfant a mal appris a lire auront bien du mal à rattraper les dégâts, surtout si on ne leur donne aucune chance d’identifier les causes du problème. Mais tous les professeurs n’ont pas applaudi aux réformes qui ont conduit à un système inégalitaire, où les enfants de milieu défavorisé n’ont plus la moindre chance de sortir de leur condition. Bien des parents, et notamment parmi ces élites férues de nouvelles technologies, d’anglais et d’adaptation au « monde qui bouge », réclament toujours plus de réformes, toujours moins de culture classique et de vieilleries inutiles. Bien des parents, surtout, refusent qu’on impose à leurs enfants le moindre effort, la moindre contrainte. Les mêmes, parfois, stresseront inutilement leur progéniture à l’occasion d’un baccalauréat dont ils s’imaginent qu’il demeure aussi sélectif qu’il l’était à leur époque. Mais ils ne leur enseigneront pas la rigueur, le plaisir d’apprendre, le respect du professeur, et surtout, l’amour du savoir, cette certitude qu’un livre, une pensée, la connaissance d’un événement historique, nous transforment et nous font plus humains. Le fils d'ouvrier, travailleur et méritant, dans une classe où quelques gamins paumés interdisent toute concentration et toute progression, est floué par le système. Mais est-ce la faute des seuls enseignants?

(Lire la suite...)

Statistiques d'une violence glaçante, nous dit N. Polony. Le plus impressionnant encore dans ce papier, c'est probablement la montagne de réactions qu'il a suscitées, parmi lesquelles je citerai quelques spécimens :

florence BUDRY
Merci, merci infiniment chère Madame pour votre bon sens et votre franc parler!! mon petit garçon est entré au CP il y a deux jours et je suis déjà en train de me battre avec les méfaits de la méthode globale dont la "toxicité "sévit depuis déjà 30 ans et a été largement mise en évidence !!! Juriste, je dois avouer que l'aberration de ce système qui consiste à apprendre les exceptions avant même d'apprendre une quelconque règle me laisse pantoise!!!  Hélas, expatriés (sans choix d'une école alternative) et seule à contester l'apprentissage de cette méthode "divinatoire" (ringarde même chez les sorciers de Harry POTTER) je vais devoir passer l'année à faire un métier qui n'est pas le mien mais celui de mes parents (ouf,ils sont là pour m'aider) : professeur ... Pour que mon fils apprenne à apprendre et pas seulement les 30 mots de la fameuse liste !!!

Charlotte
Ce n'est pas parce que les parents savent qu'il faut travailler en classe et faire polytechnique, que les gamins y arrivent ; faut-il encore que les petits soient surdoués. Ce qui aide à ce parcours, c'est être domicilié à proximité de bons collèges et de lycées parisiens prestigieux, cela explique que les enfants de cadre supérieur et enfants de famille d'enseignants y soient plus représentés. Malgré tous mes efforts, pour le moment pas de polytechnicien parmi mes enfants et je sais pourquoi : j'habite en province, mes deux filles ont fréquenté un lycée très moyen, l'une des deux avait quelques capacités en maths, elle a fait maths sup et spé mais n'a pas eu le courage de bosser comme une folle pour rattrapper son retard (par rapport à ceux qui sortaient de très bons lycées), elle a réussi une école d'ingénieurs honorables mais sans plus (CCP), la deuxième était faible en maths donc a été sortie de la filière sciences après la terminale, pas assez de culture et de facilités en langue étrangère pour espérer atteindre l'élite : Là où cela fait la différence entre classe moyenne et classe supérieure, qui peut se permettre des nounous anglophones, des séjours dans des pays étrangers, des écoles bilingues...
Je ne suis pas jalouse des privilèges des enseignants... qui ne sont pas si extraordinaires que cela.

Abraxas
Si les enfants d'enseignants font une scolarité meilleure que les autres, c'est juste que leurs parents s'occupent davantage d'eux que les autres. Et "à l'ancienne", croyez-moi — y compris les pédagos les plus convaincus. C'est qu'ils sont sur le dos de leur marmaille — comme vous le serez sans doute quand la vôtre aura poussé. Qu'ils veillent à ce qu'ils aient fait leurs exercices, appris leurs leçons, et accessoirement, leur offrent quelques livres en évitant de les coller devant la télé. C'est qu'ils tentent de reproduire, comme dirait n'importe quel petit enfant de (Bour)dieu, ce qui leur a réussi. Aucun délit d'initié là-dedans : ils savent mieux que les autres, parce que c'est leur métier, ce qui convoient le mieux aux enfants. Et si l'on fabriquait des programmes calqués sur ce qui se fait à la maison, chez les enseignants, c'est l'école d'autrefois, parfois dans ce qu'elle a de plus caricatural, qui serait remise en place.

Si Natacha Polony est agrégée, Annie Da-Costa Lasne, elle, a fait mieux : une thèse de doctorat sur "La singulière réussite scolaire des enfants d’enseignants".

Citation :

Intriguée par la constante référence de la littérature aux meilleurs résultats scolaires obtenus par les enfants d’enseignants scolarisés au primaire et au secondaire, nous avons souhaité interroger les processus familiaux de fabrication de cette réussite. Partie de l’idée qu’un « effet enseignant », effet spécifiquement lié au fait d’être enfant de parents dont l’un ou l’autre est enseignant, pouvait participer à expliquer ces meilleures performances scolaires, la problématique choisie nous a d’abord conduit à vérifier l’existence et la prééminence d’un tel effet, comparativement aux effets associés au fait d’être enfant de parents dotés de caractéristiques sociales proches de celles des enseignants. Cet « effet enseignant » démontré, nous avons alors cherché à mettre en évidence les pratiques éducatives familiales qui pouvaient l’expliquer. A l’heure de conclure, rappelons nos principaux résultats. En prenant appui sur une exploitation des données de l’enquête du panel d’élèves recruté en 1995 (Panel 1995), nous avons pu montrer que le fait d’avoir au moins un parent enseignant conduit à un avantage aux scores, tant aux épreuves nationales passées à l’entrée en 6ème qu’à celles du diplôme du brevet de fin de 3ème. Cet « effet enseignant » « brut » est l’effet parental le plus favorable de tous sur la réussite scolaire. Son influence positive dépasse notamment celle associée au fait d’être enfant de parents dont l’un au moins est cadre. Plus précisément, on peut même affirmer, à l’école élémentaire comme au collège, qu’être enfant de deux enseignants ou d’un enseignant et d’un cadre, sans distinction, produit un impact plus positif sur les performances scolaires qu’être enfant de deux cadres.
(…)
Testées à niveau de diplôme parental contrôlé, les classes de pratiques éducatives apportent un gain explicatif substantiel à la réussite scolaire. Cependant, l’ « effet enseignant » ne s’en trouve pas, une fois encore, totalement expliqué. Un « effet enseignant » « net » significatif, plus important que l’ « effet cadre » « net », se maintient aux deux niveaux de scolarité. L’avantage des enfants dont l’un des parents au moins est enseignant est même plus marqué au secondaire. Au terme de l’analyse nous avons pu conclure que les enfants d’enseignant(s) ont bien plus de chances que tous les autres enfants d’obtenir de meilleurs résultats scolaires au primaire et secondaire inférieur. Ils sont proportionnellement les plus nombreux à bénéficier de parents dotés des diplômes aux effets les plus positifs sur la réussite et à être concernés par les types de pratiques éducatives les plus en lien avec le succès scolaire. De surcroît, ils profitent d’un avantage à la réussite inégalé, précisément cet « effet enseignant » « net », non expliqué, spécifiquement lié au fait d’être enfant d’enseignant(s). L’ « effet enseignant » ne se résume donc pas à une conjonction de facteurs familiaux classiquement repérés comme favorables à la réussite scolaire.

Il y aurait bien un "effet enseignant" ayant un impact plus positif que l'"effet cadre".

Pour ma part, le problème est autant statistique que déontologique. Je pense, notamment, à certaines constances. Question : face à la permanence de l'illettrisme, des 15 % de jeunes parvenant en Sixième sans maîtriser les connaissances de base et des 160.000 environ autres jeunes quittant le système scolaire sans formation, comment la corporation des enseignants s'y prend-elle pour réussir si bien avec ses propres enfants et si mal avec ceux des autres ? Et qui est directement responsable de la mauvaise acquisition du "lu" et de l'"écrit" sinon les enseignants du primaire ?

Parce que, entre nous, tout le monde voit bien que c'est là que tout commence : par la maîtrise de l'alphabet et du déchiffrage tant lu qu'écrit. Et fort de mes deux décennies de pratique comme professeur à domicile, j'ai souvent entendu dire que la fameuse "méthode globale de lecture" avait été proscrite des programmes scolaires depuis des lustres, ce qui est complètement faux, et c'est bien là le problème : qui décide à l'Education Nationale, dans la mesure où, dans le secret de leurs petites officines, les enseignants font ce qu'ils veulent ?

Le scandale est là : dans ces mauvais résultats affichés par des élèves dès le début de leur scolarité, sans que rien ne se passe dans la correction de ces dysfonctionnements - ci-dessus, une mère de famille se dit seule à contester cette méthode divinatoire (nous sommes en 2010 !) -, ce qui n'a jamais empêché les ministres successifs de pérorer dans le vide.

Pour ma part, après plus de deux décennies de pratique de la remise à niveau, j'estime avoir affiché plus de 99,99 % de réussite entre la Maternelle et la Troisième des collèges ; en tout cas, je n'ai pas le souvenir qu'un seul des sujets que les parents m'avaient confiés ait, en ma présence, échoué dans sa scolarité, alors même que la durée moyenne de travail était d'à peine deux heures par semaine. Par ailleurs, j'estime qu'entre la Maternelle et la Troisième des collèges, avec un encadrement pédagogique adapté, plus de la moitié des élèves, quelle que soit leur origine sociale, pourraient réaliser leur scolarité à raison de deux niveaux scolaires par année civile (le primaire, de la maternelle au CM2, en quatre ou cinq ans, et le collège en deux ans ; soit au maximum sept années au lieu de douze) !

Les enseignants du primaire portent une lourde responsabilité dans la permanence de l'échec scolaire dans les milieux populaires, et avec eux, les municipalités - qui achètent des manuels scolaires dont j'estime que 95 % d'entre eux sont juste bons à mettre à la poubelle ! - ainsi que le ministère de l'Education Nationale, qui a oublié qu'il était, à l'origine, ministère de l'instruction publique.

Seulement voilà : exit l'instruction, voici venu le temps de la théorie du genre !


       
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