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En maternelle dès deux ans ? Et pourquoi pas ? Trois sources
Ce qu'il y a d'étrange dans toutes ces prises de positions, c'est l'idéologie qui les sous-tend : aller à l'école, fréquenter l'école, une place à l'école, l'accueil à l'école... Vous avez compris que, pour tous ces observateurs, l'école, c'est l'édifice sur le fronton duquel il y a inscrit "École communale". Donc, l'école serait un lieu clos aux frontières bien délimitées et supposé constituer une coupure avec le milieu familial. Je suis pourtant au regret d'affirmer ici que tous ces experts ont "tout faux" ! Il y a même le linguiste Alain Bentolila, qui n'a pas peur de se contredire, lorsqu'il affirme que l'apprentissage de la langue est essentiel, et qu'il se fait dans la relation avec les parents ou avec un adulte proche, autant dire au sein de la famille. Mais c'est pourtant le même Bentolila qui préconise, par ailleurs, un enseignement linguistique adapté mis en place dès le début de la scolarité, de manière à compenser les disparités langagières affichées par les enfants lorsqu'ils intégrent le système scolaire. Le fait est que les enfants accèdent à l'école avec le bagage intellectuel et comportemental dont ils ont été équipés au sein de la famille, ce qui peut se traduire par de sérieuses disparités, selon que l'on a affaire à une famille instruite et aisée ou défavorisée et inculte. Pour reprendre une citation déjà évoquée ailleurs, dès l'école primaire, des clivages se constituent alors entre deux types d'élèves : des enfants "précoces", qui réussissent d'autant mieux qu'ils rencontrent, au sein de leur famille, à la fois l'environnement culturel proche de la culture de l'école et un intérêt prononcé pour investir dans la réussite scolaire, et des enfants des classes populaires qui sont confrontés à l'échec dès les premiers apprentissages. Parmi les élèves entrés au collège en 1989, 20% des enfants d'ouvriers non qualifiés ont redoublé le cours préparatoire, contre 2% seulement des enfants d'enseignants. (Marlaine Cacouault, Françoise Oeuvrard, Sociologie de l'éducation, La Découverte, Paris, 1995, p. 21) Si, comme tous les spécialistes en conviennent, de profondes disparités entre les enfants naissent au sein même de l'environnement familial, conduisant à des clivages qui vont se renforcer au sein de l'école, comment nos experts peuvent-ils défendre l'idée de retarder l'arrivée à l'école, sachant que plus cette arrivée est tardive, et plus grands seront les clivages entre élèves d'origine socio-professionnelle distincte ? Et, par ailleurs, pourquoi toujours identifier la scolarisation à l'édifice scolaire, comme s'il ne pouvait y avoir d'instruction qu'au sein de l'établissement scolaire, alors même que tout le monde voit bien de quel poids pèse le niveau socio-culturel des parents, au piont que Bentolila lui-même insiste sur l'acquisition de la langue (maternelle) via l'entourage familial ? C'est parce que je conteste l'ensemble des théories exprimés par les spécialistes cités plus haut que je parle, moi, de "maternelle dès deux ans", pas "d'école maternelle dès deux ans". Et il me semble que la nuance est d'importance ! Faut-il rappeler que le premier chapitre de ce programme était intitulé "Dans maternelle, il y a mère" ? Autrement dit, si je préconise la maternelle dès deux ans, c'est parce qu'il est de notoriété publique que les apprentissages sont d'autant plus affirmés chez le jeune enfant qu'ils sont précoces. Il se trouve, par ailleurs, que les enfants généralement qualifiés de précoces voire de surdoués connaissent presque en totalité une première scolarisation... à domicile, soit aux côtés de Papa et Maman ainsi que de la fratrie. Quant à la borne de l'âge généralement évoquée ["L'école ne commence qu'à trois ans !", dixit Xavier Darcos ; "Nous sommes réticents à la scolarisation des moins de trois ans.", dixit R. Guilleux, de l'Union nationale des Associations familiales], son acception purement administrative me fait un peu sourire, comme si deux sujets affichant rigoureusement le même âge ont nécessairement la même taille, le même poids, le même quotient intellectuel, la même habileté manuelle, la même culture générale, etc. ! Pour illustrer mon propos, voici des tracés réalisés sous ma direction par trois enfants différents. Seriez-vous en mesure d'en déduire l'âge relatif des sujets concernés ? Vous pensez peut-être que j'ai disposé ces tracés dans un ordre logique suivant l'âge croissant des sujets, donc du plus jeune au plus âgé ? Alors, vous avez tout faux ! Ces trois enfants ont le même âge : quatre ans. De gauche à droite :
Alain Bentolila, dans ses moments de lucidité, le reconnaît volontiers :
"... Des inégalités considérables entre les enfants au début de la scolarité... Les mieux dotés étant régulièrement les plus favorisés socialement.", dixit Alain Bentolila, ce qui revient à admettre que bien des apprentissages essentiels commencent à la maison, et c'est précisément là, à la maison que les plus grandes inégalités se creusent, pas à l'école ! Mettre en place des leçons de mots dès la maternelle, n'est-ce pas admettre que l'acquisition du vocabulaire a été défaillante en amont de ladite maternelle ? "La leçon de mots serait donc une sorte d'antidote à l'illettrisme... Deux fois par semaine et quatre à cinq mots par séquence...", précise le linguiste. Et l'on reconnaît là l'idéologue, qui n'a jamais observé de jeunes enfants in situ, mais qui sait quoi faire contre l'illettrisme. Pourquoi quatre à cinq mots, et pas six, sept..., dix, et pourquoi deux fois par semaine, et pas trois, quatre ou cinq fois ? Nos plus grands experts, comme ceux cités plus haut, oublient obstinément, pour des raisons purement idéologiques, que les enfants ne naissent pas dans les choux, et que même si c'était le cas, les choux ne poussent pas qu'à l'école ! Voilà pourquoi j'estime absolument essentiel de lutter avant tout contre l'analphabétisme et l'illettrisme des parents, à commencer par celui de la mère, élément essentiel de toute bonne instruction future de l'enfant. Mais ce n'est pas tout : parmi les enfants de notre échantillon, il se trouve que celui présentant le plus important bagage en termes d'acquisition du langage et de l'écrit est la fille d'une femme de ménage, alors même que ses deux congénères moins avancés intellectuellement sont issus d'un environnement familial bien plus huppé. Étonnant paradoxe n'est-ce pas ? À ceux qui s'interrogent sur le niveau intellectuel de la mère d'Inès, une simple femme de ménage, je répondrai qu'il n'était pas bien élevé. Autant dire que je vais à l'encontre de ma propre thèse portant sur le caractère essentiel du bagage intellectuel de la mère. Mais il y a une explication à cette situation paradoxale.
Je puis, donc, attester qu'à deux ans et demi, cette fillette née d'une femme de ménage peu instruite connaissait tout son alphabet ainsi que pas mal d'autres choses encore, grâce à un petit ordinateur parlant en plastique. Il faut dire qu'à cette époque, j'étais déjà un fervent adepte de l'enseignement assisté par ordinateur, un outil extrêmement performant en matière de lutte contre les inégalités scolaires, pour peu que l'on l'utilise à bon escient, notamment dans l'acquisition du lu et de l'écrit. Je m'en vais de nouveau citer une opinion mentionnée plus haut :
J'approuve cette opinion, à ceci près que je récuse l'expression "accès à l'école" au sens bureaucratique de la formule, pour la remplacer par "accès aux apprentissages fondamentaux", ce qui nous donne ceci : "En favorisant l'accès aux apprentissages fondamentaux dès deux ans, voire plus tôt, selon les dispositions de chaque enfant, on a constaté qu'on augmentait les chances de réussite et l'entrée dans un cursus scolaire maîtrisé. Tout cela peut fort bien se mettre en place à la maison, l'école, au sens strict du terme, n'intervenant que bien plus tard, avec des enfants maîtrisant déjà un certain nombre de procédures, comme la connaissance de l'alphabet voire des premiers mots lus et écrits, la possession d'un vocabulaire conséquent ainsi qu'une élocution permettant de s'inscrire dans un échange avec ses congénères ainsi qu'avec tout intervenant adulte autre que ses propres parents. On résume ? Si j'avais un conseil à donner à tous ces experts en éducation qui s'étalent à longueurs de colonnes tant dans la presse spécialisée que dans les organes de vulgarisation, ce serait d'observer plus finement les enfants en situation d'apprentissage et de se départir de leurs détestables a priori idéologiques que, pour ma part, j'assimile à des inepties. Moi, je m'en tiens à ce que j'ai pu observer sur le terrain : les meilleurs résultats scolaires sont réalisés par des enfants chez lesquels il n'y a aucune dichotomie entre ce qu'on apprend à la maison et ce qu'on apprend à l'école. Ces enfants arrivent à l'école lancés, c'est-à-dire propulsés par ce dynamisme intellectuel qui règne à la maison, et qui fait qu'ils ont toujours une longueur d'avance sur leurs congénères, au point que les plus performants d'entre eux n'accèdent à l'école, ou en tout cas, au système scolaire, que fort tard, la plupart du temps, à partir du collège. Par ailleurs, nos idéologues devraient se départir de la croyance selon laquelle apprendre veut dire absorber des connaissances distillées par un adulte professionnel de l'éducation, voire par un adulte tout court. Car c'est là que l'on constate que l'informatique a fait des progrès considérables, mettant à la disposition des enfants des outils pédagogiques ne payant pas de mine car resssemblant à de simples jouets, mais aux facultés pédagogiques indéniables. Tout cela existe et permet à l'enfant, même jeune, d'acquérir des connaissances en toute autonomie, comme je l'ai montré plus haut. Je maintiens, par conséquent, que l'accès aux premiers apprentissages scolaires ne dépend nullement de la présence physique de l'enfant dans ce que l'on appelle une 'école' et penser le contraire reviendrait à nier l'importance décisive de l'environnement familial dans le cursus scolaire des enfants, alors même que toutes les statistiques nous démontrent que les inégalités qui se manifestent à l'école ne sont souvent que les symptômes de disparités socio-culturelles que l'école seule ne saurait éradiquer. Observons simplement que la France reste un des pays de l'OCDE dont les écoles maternelles et primaires affichent le taux d'équipement informatique le plus faible - et pour l'essentiel pour des raisons purement idéologiques, nos "experts" n'ayant toujours pas pris conscience des potentialités pédagogiques de l'ordinateur -, ceci expliquant en grande partie cela : un cinquième d'élèves accédant au collège sans maîtriser le lu et l'écrit. Une école maternelle en Suède
Cela dit, rien n'interdit à des parents intelligents d'offrir à leur enfant un ordinateur ; et en la matière, un simple jouet en plastique ferait l'affaire, pour peu qu'il soit équipé des fonctions les plus importantes, à commencer par l'interactivité.
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