Lire, écrire, compter |
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Globale imposture
Pour en finir avec la méthode dite "globale de lecture"
Il paraît que les avis des spécialistes de l'éducation sont partagés sur l'efficacité relative des méthodes de lecture. Et je dois avouer qu'à chaque fois, je m'interroge : "Mais pourquoi diable n'évoquent-ils jamais l'écriture ?". Ah oui, je vois : le premier jour, cette femme originaire de Kabylie a appris à écrire son nom. Non mais, sans blague ! Essayez-donc de faire écrire Khadija (ghhhadidja) à une analphabète ! Vous avez compris que cette pauvre famme s'est contentée de "photographier" son prénom à la manière d'un "kanji" chinois ou japonais ! Je suis, donc, allé à la pêche aux articles sur l'Internet, et je n'ai pas été déçu. Je veux dire par-là que je n'ai vraiment rien appris de nouveau sur le sujet, à savoir que les plus grands experts des sciences de l'éducation de ce pays ne savent pas qu'on apprend aussi à écrire à l'école ! Ci-dessous, un petit florilège des sites visités. J'ai été particulièrement impressionné par l'épais dossier présenté autour de la question sur l'Education en devenir, évoquée ci-dessous.
Sciences cognitives, neurosciences et enseignement de la... lecture ; observatoire national de la... lecture, un point de vue scientifique sur l'enseignement de la... lecture, etc. On a compris que ces grands esprits ont, tous, appris un jour à lire, mais pas à écrire, ou alors ils ont toujours su écrire ! Et moi de me demander pourquoi s'acharnent-ils à ce point à faire l'impasse sur l'écrit ? Peut-être parce que pour la quasi-totalité d'entre eux, ce sont des universitaires ou des chercheurs en laboratoire, qui n'ont jamais vu un enfant en situation d'apprentissage, à l'instar de ces éthologistes qui observent des rats de laboratoire placés dans des tiroirs, sous de la lumière artificielle. "Dans le débat sur les "méthodes de lecture", pouvons-nous lire ci-dessus, la Science a bon dos, invoquée à la fois par le Ministre de l'Education Nationale et par ses opposants, elle semble se plier aux différents points de vue." Question : la Science ! Mais quelle Science ? En allemand, science se dit "Wissenschaft", comme on dit Mannschaft, Erbschaft, Landschaft... : Mann ; homme, Mannschaft : équipe, ensemble ou groupe soudé de personnes ; Erben : hériter, Erbschaft : héritage, ensemble des biens dont on hérite ; Land : terrain, territoire, Landschaft : paysage, juxtapositions de terres et de terrains... Et partant, Wissenschaft se dit d'un stock de connaissances, d'un savoir accumulé, ce qui est tout le contraire d'une théorie ou d'une spéculation. J'en reviens, donc, à mon interrogation : de quelle science s'agit-il ici, à propos des méthodes de... lecture et d'elles seules ? Et quelle peut bien être la consistance de cette science cognitive qui se focalise sur la seule lecture, en faisant l'impasse sur l'écriture ? Une science hémiplégique, sans doute, ou alors, portant de bien épaisses oeillères. Le fait est que tous les intervenants en milieu scolaire savent que ce qui pose problème à l'école, notamment au primaire, ce n'est pas tant le lu que l'écrit ! Faire croire à des enfants de CP qu'ils savent lire, n'importe quel(le) médiocre instituteur/trice en est capable ; il suffit de faire mémoriser par les enfants un catalogue de mots. Ces mots-là, les enfants sauront les lire parfaitement. Mais ils ne sauront pas forcément les écrire. Derrière le discours de certains scientifiques, il y a l'idée que telle ou telle méthode "de lecture" est utilisée à l'école par des gens qui en ont fait une évaluation scientifique et la maîtrisent au plus haut point. Nos scientifiques sont-ils seulement allés regarder in situ, à l'école, comment instituteurs et institutrices utilisaient, concrètement, telle ou telle méthode ? Il est permis d'en douter, lorsque l'on lit des choses comme ce qui suit :
Comme tout cela est pompeux : "l'entrée par le sens... fondent leur démarche sur l'intérêt porté par les élèves au contenu des textes écrits qui leur sont proposés et lus..." Et là, je me dis que l'expert(e) en sciences cognitives qui a osé écrire cela n'a jamais mis les pieds dans une salle de classe, pas plus qu'il/elle ne s'est penché(e) sur un cahier d'élève de Cours préparatoire, pour se rendre compte, in concreto, de la manière dont tant d'enseignant(e)s bricolent et bidouillent autour de ces fameuses "méthodes globales" ! Faudrait-il rappeler le mot fameux : science sans conscience... ? Par parenthèse, apprendre à une trentaine d'enfants de six ans, dès le premier jour de la rentrée en CP, à mémoriser la graphie de tous les prénoms de la classe, relève de quelle méthode de lecture ? Et sur quelle découverte scientifique s'appuient les enseignants qui procèdent de la sorte ? Pour ma part, après une vingtaine d'années de fréquentation d'enfants de tous milieux et de tous statuts scolaires, du "surdoué" au "cancre", j'ai été toujours frappé par l'amateurisme et l'improvisation appliqués par quasiment tous les instituteurs et institutrices adeptes de la méthode dite "globale de lecture" auxquels j'ai été confrontés. À cela, il y a un indice imparable : ces enseignants ne disposent pas du moindre manuel de lecture ! C'est quand même extraordinaire, non ? Si la méthode globale était tellement appréciée d'une partie des milieux scientifiques, comment expliquer que son utilisation sur le terrain soit auss clandestine ? Il me semble, en revanche, qu'elle devrait être amplement exposée dans une grande partie des manuels, lesquels, compte tenu de l'efficacité de la méthode, feraient autorité sur le marché, non ? Même pas ! Les adeptes de la méthode globale rasent les murs, bricolent des textes dans leur coin, passent des heures à coller des bouts de photocopies dans une trentaine de cahiers d'élèves, tous les jours ou presque, ce qui leur prend énormément de temps. Dès le premier jour de classe, en CP, ils apprennent aux enfants à lire des consonnes complexes comme 'ph' ou 'gn', lesquelles comportent deux signes à l'écrit (caractères) à chaque fois, mais ne se lisant pas du tout comme la somme de ces deux particules élémentaires. Et puis, dans la foulée, les enfants sont invités à déchiffrer tout aussi rapidement tous les types de voyelles complexes comme 'au', 'eau', 'in', 'ein', 'oeu', et j'en passe. Et moi de me demander toujours ce qu'il peut bien y avoir de scientifique là-dedans. Parce qu'il y a autre chose, que les experts cités plus haut oublient systématiquement d'évoquer : ils parlent volontiers de "méthodes synthétiques", par opposition aux "méthodes méthodes analytiques", passant soigneusement sous silence - mais peut-être ne sont-ils tout simplement pas au courant de la chose ! - la prothèse sans laquelle il n'y a pas de méthode globale de lecture : le dessin ! 1. recours au dessin et substitution texte/dessin C'est simple : vous pouvez consulter des tonnes de thèses sur les méthodes globales de lecture ou synthétiques, vous n'y verrez jamais ceci, à savoir qu'il n'y a pas de méthode globale sans dessin ! C'est dire si les descriptions qui sont faites desdites méthodes sont largement erronées, voire mensongères, au moins par omission. Il faut, donc, commencer par admettre que l'animal représenté à côté du texte est un... chamois ! Et puis, très vite, on est invité à remplacer les mots par des dessins, ou à lire des dessins assimilés à des mots, les deux types d'éléments étant supposés interchangeables. Ci-dessous, le protocole est limpide : on écrit/lit des phrases composées de mots et de dessins. Et gare aux confusions : doit-on, par exemple, 'lire' chat ou animal ?, veste ou habit ?, chien ou Médor ?, vélo ou bicyclette ? Dans la méthode dite globale, apparemment, tout se vaut : dessin et texte, sons et sons, d'où l'apprentissage simultané des sons équivalents ou homophones. 2. L'homophonie ou tous les sons se valent On va, donc, apprendre les homophones ensemble : i et y, f et ph. Même si l'on sait que la consonne complexe 'ph' est beaucoup plus rare que son homophone 'f', de même que 'y' est beaucoup plus rare que 'i'. Cela dit, reconnaissons que le 'i' et le 'y' ont été abordés le 5 octobre, tandis que le 'f' et le 'ph' ne le seront que le 2 avril. Je rappelle qu'il ne s'agit pas de dictées, mais simplement d'exercices de copie de mots extrait d'un corpus à posséder (par coeur) en fin de CP. Ce qui précède a été récupéré dans un cahier d'élève de CP et consiste en des photocopies d'un manuel que la maîtresse avait photocopié en autant d'exemplaires qu'il y avait de cahiers d'élèves. On imagine l'énorme travail accompli par l'enseignante en photocopies (illégales, soit dit entre parenthèses) et en découpages puis en collages ! Mais il faut croire que la propension à photocopier renvoie à une autre procédure d'ordre photographique : la mémorisation. 3. La mémorisation via la redondance Dès lors que les enfants sont censés apprendre par coeur la graphie de mots contenus dans un catalogue pré-établi, ces mots-là vont revenir de façon redondante et répétitive. C'est tout particulièrement le cas des prénoms. Nous avons déjà croisé Gafi, le fantôme, la chipie, Mélanie.
Une fois acquise l'approche "idéographique" des mots, à l'instar des kanjis sino-japonais, l'élève va se voir invité à reconnaître les mots à partir de leur simple silhouette. 4. La silhouette, ou l'art de 'contourner' le problème On retrouve le principe de l'étiquette, en plus sophistiqué : les lettres sont suggérées, sans être pour autant détachées de l'ensemble. Le principe de la redondance est toujours présent : Sophie, Julien, Pierre... Et gare aux mots ayant la même silhouette ; ex. porc et gare, huile et toile, savon et cacao, cordon et carton, carbone et sardine, etc. Tout cela a l'air fort intelligent, n'est-ce pas ? Lire des dessins, manipuler des étiquettes assimilables à des kanjis chinois, repérer la silhouette des mots..., on se demande à quel moment les élèves accèdent au sens, ce fameux sens si souvent évoqué par les spécialistes comme étant l'alpha et l'oméga des méthodes de lecture globale. Mais peut-être faudrait-il le rechercher dans l'accès direct à la phrase, voire au texte, sans même que l'on ait appris ce qu'était un sujet, un verbe, un adjectif. s 5. Accès direct à la phrase et au texte, sans passer par la grammaire et la conjugaison La méthode dite globale... de lecture permettrait, donc, d'accéder directement aux textes les plus complexes, sans que les élèves n'aient préalablement appris à accorder un adjectif avec un nom, ni à conjuguer un verbe, ni même découvert ce qu'est une phrase. Dans les textes qui suivent, on retrouve Pierre, Sophie, et pas mal d'autres mots (piscine, chaud, eau), puis un poème dont je suppose que les élèves ont été invités à le mémoriser comme des perroquets, après moult répétitions par l'enseignant(e). Pour ma part, dans ma pratique de l'alphabétisation, je n'ai jamais fait lire de phrases et encore moins de textes à des élèves avant qu'ils n'aient appris à accorder un article et un nom (je n'emploie pas le mot 'déterminant' à dessein), un nom et un adjectif, un sujet et un verbe. Sinon, comment allez-vous expliquer à un élève de CP la valeur du groupe 'en' dans 'la dent' et dans 'ils jouent' ? Je rappelle, au cas où la chose ne serait pas encore claire, que tout ce qui précède est extrait d'un cahier d'élève de CP dans lequel l'enseignante avait réalisé des dizaines de collages. En 2004, la linguiste L. Sprenger-Charolles insistait sur l'efficacité supérieure des méthodes dites analytiques par rapport aux méthodes synthétiques, mais, curieusement, à l'instar de la quasi-totalité de ses collègues chercheurs, elle aussi faisait l'impasse sur l'écriture pour n'évoquer que la lecture. Étrange !
Des années après le CP, il semble que bien des étudiants des facultés connaissent toujours quelques problèmes avec l'orthographe, pas avec la lecture ! Du coup, (presque) tout s'explique !
Cette section se poursuit par une série de travaux pratiques sous la forme d'un programme de remise à niveau appliqué à un élève de CP prétendument dyslexique.
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