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L'informatique à l'école... Bof !
Ça c'est le titre d'un article maintenant fort ancien (1993), pour ne pas dire moyen-âgeux, quand on considère les évolutions intervenues depuis. Mais il rend bien compte de la persistance de certains phénomènes voire du marasme structurel dont souffre le système scolaire français, quand on considère que les Cassandre d'il y a vingt ans n'ont pas été démenties ! L'informatique scolaire était déjà en panne dans les années 1990, elle l'est restée au début des années 2010 !
L'informatique et l'électronique ont eu une faible influence sur notre vie quotidienne. Une évolution technologique fantastique, sans équivalent dans l'histoire de la science, a accouché d'une souris sur le plan social. L'éducation n'échappe pas à la règle. Les progrès réels que peut apporter l'informatique sont forcément limités, et ce n'est pas forcément un mal.
L'informatisation de tous les aspects "comptables" de la vie scolaire est ainsi déjà largement engagée, gestion des absences, des notes, des moyennes scolaires.
Par l'informatique, enseignants et élèves disposent d'un outil de gestion de leur scolarité. Ils peuvent réellement prévoir leur évolution dans le système scolaire et prendre des décisions en conséquence. Le résultat peut paraître médiocre mais est incontestable.
Ce n'est pas la seule application possible. Si l'on aborde le domaine de l'enseignement proprement dit, l'informatique peut être utile si on la conçoit, non comme un remplacement de l'enseignement traditionnel, mais comme un complément de celui-ci. Les logiciels de géométrie ou d'analyse de texte constituent des outils techniques qui permettent au professeur de s'amuser avec ses élèves, après la leçon, d'analyser les textes de Marcel Proust, de découvrir sur l'écran de l'ordinateur la beauté inouïe de la géométrie. Cet éblouissement devant la connaissance amène la création par les élèves de travaux originaux que le professeur n'aurait même pas soupçonnés.
Cet éblouissement - je crois que le terme n'est pas trop fort - ne changera pas forcément la vie du bon élève qui réussira de toute façon. Mais il peut aider les moyens et les mauvais en leur montrant que la connaissance peut être accueillante, et pas forcément aride et rebutante.
L'auteur de cet article constatait néanmoins une réussite de l'informatique à l'école, en relevant que l'informatisation de tous les aspects comptables de la vie scolaire est ainsi déjà largement engagée, ce qui ne s'est pas démenti depuis : on imagine mal un établissement scolaire dont la direction ne disposerait pas de tous les programmes de gestion des emplois du temps, de l'occupation des salles, des absences, retards, échanges avec les familles, etc.
Ce qui montre que les gestionnaires des établissements scolaires, eux, ont rapidement compris les potentialités de l'outil informatique. Le problème se pose avec le corps enseignant qui, en plus de vingt ans, n'a pas trouvé le temps de s'approprier l'outil informatique pour en faire un assistant pédagogique performant, alors même que le grand commerce fourmille des produits les plus divers. Et pour que les grands éditeurs du commerce lancent sur le marché des programmes informatique d'apprentissage de la cuisine, de l'entraînement sportif, de la danse de salon, de l'enseignement des langues, il faut bien admettre qu'ils y trouvent un intérêt économique.
De fait, l'anomalie véritable dans la situation de l'informatique à l'école tient au fait que le corps enseignant reste sourd aux immenses progrès accomplis par l'informatique éducative, et dont on peut présenter quelques échantillons ci-dessous. Nous commencerons par un programme d'initiation à l'anglais pour les enfants de Maternelle.
Quand on pense à la multitude de choses que des gamins de maternelle parviennent à apprendre à l'aide d'un ordinateur parlant, tandis que des cohortes d'autres gamins sortent de l'école primaire sans maîtriser les simples bases, on se demande si la solution ne passe pas par le remplacement pur et simple de tant d'instituteurs/trices incompétent(e)s par des ordinateurs ! Mais la proposition serait trop polémique.
Seulement voilà : de nos jours, l'offre pédagogique existe bel et bien, et elle est performante. Mais son application en milieu scolaire continue de se faire attendre. Il faut bien admettre que ce freinage est voulu.
Justement : on constate, par exemple, que la logique de l'apprentissage sur ordinateur exclut totalement certaines pédagigies approximations comme l'apprentissage de la lecture en ayant recours au dessin, comme c'est le cas avec la méthode dite globale de lecture ; on peut même dire qu'il y a une incompatibilité totale entre les deux approches, dès lors que, sur un clavier, il n'y a pas de dessin, juste des signes alphabétiques et des nombres, ce qui passe par une approche analytique et combinatoire (b-a-ba), ce qui impose d'actionner les touches une à une, excluant de facto toute approche synthétique ou globalisante. Par ailleurs, l'ordinateur synchronise les activités de lecture et d'écriture, dans la mesure où on lit en écrivant et que c'est précisément cette procédure (cliquer au bon endroit ou taper le bon code au clavier) qui va informer la machine de l'exécution correcte de la consigne. Et à ce petit jeu, l'enseignement traditionnel est tout simplement dépassé ! D'où sa résistance contre la nouveauté comme la diligence a tenté de résiter au chemin de fer !
Au cas où je n'aurais pas été assez clair, j'affirme ici qu'il est impossible à un élève de Maternelle et, a fortiori, de Cours Préparatoire, passant une petite heure par jour à apprendre les chiffres et les lettres à l'aide d'un ordinateur, de finir l'année scolaire sans maîtriser les principaux sons (phonèmes) et signes (graphèmes) de la langue.
Des ordinateurs dans toutes les classes, dans toutes les écoles, et utilisés pour étudier toutes les matières, voilà la clé d'une lutte effective contre l'échec scolaire.
Et que les syndicats d'enseignants et les lobbies de l'Éducation Nationale se rassurent : qu'ils le veuillent ou non, tôt ou tard, leur incompétence face aux potentialités de l'informatique en matière éducative finiront par se voir au grand jour.
Lecture : Un ordinateur par élève
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