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La fillette visible ci-contre s'appelle Salma et elle a huit ans (2004). Fille d'un ouvrier analphabète, ancien harki (celui-là a eu plus de chance que ceux de ses congénères que la France a abandonnés aux égorgeurs du FLN lors de la débâcle algérienne !) et d'une femme de ménage. Je verrai Salma et son frère aîné tous les week-ends, généralement le dimanche, ainsi que pendant quelques vacances scolaires, et ce, durant deux ans.

Signe particulier : un ordinateur tout neuf, bourré de programmes éducatifs.

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Niveau scolaire officiel : CE2. Pour le niveau réel, les exercices qui suivent me semblent assez parlants : en fin de CE2, Salma aurait pu entrer directement en Sixième en évitant d'aller perdre deux années en Cours Moyen. Je n'ai pas besoin de préciser que le périmètre du carré, du rectangle ou du cercle ne figure pas au programme du CE2, pas plus que le calcul décimal.

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Le problème avec les bureaucrates des sciences dites de l'Éducation, c'est que ce sont avant tout des idéologues bardés d'a priori, qui n'apprécient les choses qu'à partir de grilles de lecture préétablies. Ex.: il faut avoir tel âge pour faire telle chose ; il faut avoir six ans pour accéder au Cours Préparatoire..., conformément aux programmes officiels.

Moi, qui ai appris à lire et à écrire bien avant d'aller à l'école, qui ai appris le solfège et à jouer de l'harmonium sans l'aide d'aucun professeur de musique, je sais que les enfants sont naturellement doués des talents les plus divers, et c'est la raison pour laquelle je me suis toujours affranchi des oeillères qui obstruent la vue de tant d'experts de la pédagogie, ce vilain mot qui semble être tombé en désuétude.

Durant une bonne vingtaine d'années, je suis intervenu auprès d'enfants de tous milieux comme professeur particulier. Tous ces élèves n'étaient pas en échec. Dans le cas de Salma et de son frère, c'est pour ce dernier que la mère avait souhaité avoir mon avis, le gamin ayant été interné à dix ans (!) dans un centre médico-pédagogique. J'en ai profité pour faire travailler également la petite soeur, dont on peut voir ici qu'elle ne manquait pas de dispositions intellectuelles.

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L'école est un lieu où les enfants s'ennuient généralement, surtout ceux qui ont de réelles aptitudes intellectuelles. Et ceux-là, on va les garder dans l'institution durant tout le "temps administratif", au moins, soit huit années effectives de primaire entre la Maternelle et le CM2, là où plus des deux tiers des enfants réaliseraient ce parcours en deux fois moins de temps !

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Je n'ai pas eu besoin de dizaines de séances pour faire assimiler par Salma le calcul décimal et d'autres choses ne figurant pas au programme du CE2.

Résumé : huit ans, famille modeste, parents très peu instruits voire pas instruits du tout. Niveau réel : fin de Primaire (CM2).

Et compte tenu de son QI élevé, j'estime qu'il aurait fallu à peine deux années à Salma pour assimiler l'ensemble du programme du collège.

Tiens, parlons-en, du collège. Le programme officiel est consultable sur un des sites du CNED. Ci-dessous, je me suis contenté d'examiner le programme de mathématiques, qui a la particularité de multiplier les redondances. C'est simple : entre le Cours Moyen et la Quatrième, au moins, on a l'impression de répéter indéfiniment les mêmes choses : calcul fractionnaire, proportionnalité, périmètres, surfaces, nombres décimaux...


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Pour rendre les correspondances encore plus évidentes, j'ai fléché les redondances les plus courantes entre les divers niveaux d'études :

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On me fera remarquer que toute bonne pédagogie consiste en répétitions destinées à aider les élèves à consolider les acquis. Mouais ! Ce serait une bonne explication si l'enseignement des mathématiques au collège, voire au lycée, ne reposait pas sur certains poncifs - et cela ne concerne pas que les mathématiques, d'ailleurs ! -, à savoir que les enseignants abordent un chapitre, puis soumettent les élèves à un devoir sur table ou à une interrogation écrite, puis l'on passe au chapitre suivant, débouchant à son tour sur un devoir sur table ou à une interrogation écrite, etc., le tout se présentant comme des sauts de puce, ce qui fait qu'un chapitre abordé au début de l'année ne sera plus abordé du tout jusqu'à la fin de l'année scolaire. Et c'est là que ça devient intéressant.

Ainsi, dans ma longue pratique du soutien scolaire et, surtout, de la remise à niveau, me suis-je souvent amusé à interroger les élèves sur des domaines censés être maîtrisés, sans être forcément liés au programme en cours, par exemple un simple calcul sur les fractions ou sur une question de proportionnalité. Et là, vous voyiez tel(le) ou tel(le) élève lever les yeux au ciel en s'écriant : "Mais, ce n'est pas ce qu'on est en train de faire !". Et là, je rétorquais : "Et alors ? Veux-tu me dire que tu ne sais pas additionner ou diviser deux fractions ou calculer une quatrième proportionnelle ?".

Pédagogie du salami ou du saucisson. C'est en ces termes que l'on pourrait caractériser le travail pédagogique effectué au collège : les enseignants ont le nez sur le programme et suivent leur parcours de manière bureaucratique, en sautant d'un chapitre à l'autre, sans jamais opérer de retours en arrière. Ce qui fait que les élèves apprennent leur programme de manière saucissonnée, tranche par tranche, et à peine a-t-on quitté une tranche qu'on s'empresse de l'oublier pour passer à la tranche suivante que l'on va oublier très vite , sitôt passée la fameuse interrogation écrite qui ponctue chaque changement de chapitre.

Concrètement, ça veut dire qu'un(e) élève ayant décroché un 18 sur 20 lors d'une interrogation écrite survenue en octobre, pourrait fort bien obtenir moins de 6 sur 20 au même contrôle s'il était présenté de nouveau en mai ! J'ai dit pédagogie du salami ou du saucisson ? On pourrait parler également de pédagogie du saulnier, ce dernier récoltant le sel à partir de l'évaporation de l'eau de mer.

Et c'est là qu'il faudrait (re)parler d'évaluation : le terme est, paraît-il, honni par les enseignants. Comme c'est ennuyeux ! Et quel dommage que les enseignants manquent à ce point de curiosité et n'essaient jamais de vérifier, de manière récurrente, si les apprentissages antérieurs ont bien été assimilés par les élèves ! Pour ma part, je n'imagine pas un programme de remise à niveau sans une utilisation systématique et réitérée des évaluations.

Et faute de s'imposer cette petite gynmastique intellectuelle, on en est, donc, réduit à répéter, je veux dire rabacher les mêmes choses entre le Cours Moyen et la Troisième, alors même que la totalité du programme de mathématiques du collège pourrait être assimilée en deux ans au lieu de quatre, parce que plus de la moitié dudit programme n'est constituée que de redondances !

La chose prend un tour particulièrement dramatique au lycée, où l'on constate, par exemple, que tout travail portant sur les techniques langagières (conjugaison, grammaire, syntaxe) a disparu des programmes, au profit de la seule littérature. Ce qui nous vaut d'avoir, au lycée, des élèves incapables de conjuguer correctement un verbe ou d'accorder un participe passé. Mais nous reparlerons du lycée dans une prochaine section.

Ci-dessous, un petit exercice de français que j'ai soumis à quatre adolescents : un élève de CM2 et trois sujets plus âgés ; un sujet, comme on dit : "issu de l'immigration", et trois Français de souche. L'exercice consistait à dénicher les fautes de saisie contenues dans un poème de Lamartine retouché par mes soins.

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Selaymane, 11 ans, n'est autre que le grand frère de Salma, évoquée plus haut. Le plus jeune du groupe de quatre, le plus pauvre aussi (famille ouvrière) - contrairement aux trois autres, tous enfants de catégories CSP+ - et le seul à réaliser un quasi-sans-faute avec un minimum de ratures. Précision importante : ce garçon n'était pratiquement plus scolarisé, car dans le centre pour sujets caractériels et psychotiques où il avait été embastillé, l'agitation des internés était telle qu'il était impossible d'organiser quelque travail scolaire que ce soit, d'où l'inquiétude de la mère, qui dut insister au téléphone pour que je me résolve à faire le long trajet entre Paris et cette lointaine banlieue de l'Essonne.

Je dois reconnaître que les premières séances furent assez houleuses, non pas que le garçon fût agité ou indiscipliné ; le problème est que sa scolarité s'était déroulée, jusqu'à cette date, sur le registre des pointillés ; c'est dire qu'il n'avait plus trop l'habitude de tenir deux heures sur une chaises et affichait apathie assez phénoménale, restant là, des minutes durant, sans bouger une paupière. J'ai cimmencé par demander au père, qui n'avait rien oublié de son passé de soldat, de ne pas se mêler de nos affaires. Et puis voilà, il y avait la petite soeur... Et il a bien fallu que Selaymane comprenne qu'il risquait de se couvrir de ridicule devant une cadette appliquée, obéissante et talentueuse. De fait, à part les deux premiers quarts d'heure des deux premières séances (sur un total de plus de soixante séances de deux heures), ce gamin me fichera une paix royale, pour parler vulgairement. C'est simple : pour un garçon dont la scolarité avait été plus qu'agitée, il a manifesté des aptitudes intellectuelles hors du commun. Au point que je me suis demandé si ce n'était pas cela, la vraie raison de son internement - réclamé par les enseignants de l'école primaire qu'il fréquentait - par d'authentiques criminels qui ne pouvaient nullement ignorer ce que j'avais décelé au premier coup d'oeil, à savoir que ce gamin était sacrément doué intellectuellement !


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