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La grande oubliée des programmes scolaires



Et c'est assurément une des tares d'un système éducatif que de se contenter de "bourrer le crâne" des élèves, à savoir produire des têtes bien pleines plutôt que des têtes bien faites. La conséquence en est une assez phénoménale inculture que l'on peut constater dès que l'on teste les élèves français sur des questions sortant du strict programme scolaire ; car, c'est-ce pas cela, la culture, que cet ensemble de connaissances que l'on a mémorisées en l'absence de toute contrainte et indépendamment de tout passage d'examen ?

Pour illustrer le phénomène, je tirerai quelques exemples au hasard de mon expérience personnelle : j'officiais alors dans un grand lycée (privé catholique sous contrat) de la banlieue parisienne lorsque je fus invité à assurer des cours de culture religieuse. Bon, je ne suis pas catholique et, de surcroît, j'ai été élevé par un père pasteur, donc dans une famille tout ce qu'il y a de protestant, mais apparemment, les responsables du programme en question ont estimé que je pouvais faire l'affaire. Et ils n'ont pas été déçus, puisque, dès le début, j'ai annoncé aux élèves que je n'étais pas là pour leur parler des miracles commis par le Christ et de je ne sais quel épisode des Evangiles mais plutôt de les intéresser au caractère fondamentalement culturel du fait religieux.

Et pour leur montrer le caractère précisément culturel du fait religieux et essentiellement religieux du fait culturel, j'ai commencé par leur citer quelques expressions idiomatiques comme : manger de la vache enragée, se rétrécir comme peau de chagrin, donner le bon dieu sans confession, tirer le diable par la queue, etc., toutes expressions manifestant l'influence des pratiques religieuses dans la vie quotidienne.

Et je poursuivais ma démonstration par quelques quiz, notamment portant sur le lexique, dans ce lycée comptant beaucoup de latinistes. Imaginez un peu ma surprise en constatant que, dans l'ensemble des classes de Troisième de ce grand lycée, aucun latiniste n'était en mesure de répondre à une question que je croyais pourtant simple :

Le requin doit son nom à un épisode de la liturgie catholique. Lequel ?

Très honnêtement, je pensais qu'aussi bien les latinistes que les jeunes élevés dans le catholicisme connaissaient la filiation entre les mots "requin" et "requiem" (messe des morts). Mais j'ai eu la surprise de constater que personne (dans six classes de Troisième) n'a été en mesure de répondre à la question.

Ce qui amène une autre question : mais à quoi diable servent les cours de latin au collège ?

Autre question, un peu plus subtile que l'autre, je vous l'accorde : "Quelle est celle des trois religions monothéistes qui possède les plus petits lieux de culte ?"

Et tout le monde de se perdre en conjectures. Alors je demandais aux élèves musulmans (un bon tiers des effectifs) comment ils s'y prenaient pour accomplir leurs prières quotidiennes, chez eux par exemple. Et là j'entendais une grande clameur : "Ah, mais oui, bien sûr !".


La réponse était pourtant évidente : les cinq piliers de l'Islam (les cinq normes les plus élevées de cette religion) invitent le croyant et la croyante à prier cinq fois par jour, et aux heures où cela doit se produire, il est illusoire d'imaginer rejoindre une mosquée ! Ce qui fait que le/la musulman(e) peut transporter sa mosquée sur lui/elle, sous la forme d'un simple tapis de prière, ce qui nous donne des lieux de culte de moins d'un mètre carré !

islam

Une flopée d'autres quiz ont suivi, toujours centrés sur des questions religieuses, ce qui appelle quelques explications.

En effet, j'ai toujours affirmé aux élèves que la religion était un socle essentiel de toute culture et inversement : le fait religieux est essentiellement culturel et le fait culturel est essentiellement religieux, quoi que prétendent les agnostiques et autres athées. Le fait est que les sociétés humaines se sont bâties sur la religion et ce, des siècles voire des millénaires avant que n'apparaissent les premières manaifestations d'agnosticisme.

Et ce fait peut être vérifié en visitant n'importe quel musée d'arts graphiques du monde, en lisant n'importe quelle oeuvre classique de littérature, en écoutant n'importe quel opéra, etc.

En ce qui la concerne, la culture de ce qu'on appelle l'Occident repose sur des gens qui s'appellent Bach, Mozart, Beethoven, Dante, Socrate, Platon, Racine Shakespeare, Raphaël, Michelange, Botticelli et des dizaines de milliers d'autres créateurs sans lesquels il n'y a pas de culture occidentale. Il se trouve simplement que l'immense majorité de l'oeuvre de ces créateurs est d'inspiration religieuse ou en tout cas, porte la marque de leur éducation religieuse.

C'est la raison pour laquelle j'ai toujours pris soin de rappeler à certains jeunes d'origine extra-européenne, par exemple, que le fait de ne pas être nés dans des familles chrétiennes ne les dispensait nullement de savoir ce que c'était que la Chapelle Sixtine, un Stabat Mater, de distinguer une cathédrale romane d'une gothique, pourquoi autrefois, il était interdit de manger de la viande le vendredi, de connaître la signification de mots ou d'expressions comme carnaval, saint-patron, ange-gardien, etc.

Mais, précisément, et contrairement à une tendance lourde que l'on peut observer chez les partisans des religions dites dominantes, la tentation est grande de circonscrire la culture à l'idéologie dominante, en l'occurrence, le dogme catholique, s'agissant d'un pays comme la France. On le voit très bien dans la pratique des jours fériés, par exemple, au sein desquels je dégagerais volontiers cette ineptie baptisée "Assomption de la Vierge", célébrée tous les 15 août, et qui ne correspond à aucun épisode évangélique !

Mais, dans le même temps, les tenants de la religion dominante passent volontiers sous silence des millénaires de cultures animistes et naturistes, pour ne pas dire païennes, comme si le christianisme avait toujours dominé la pensée des Européens.

Et c'est précisément pour cette raison, le refus de tout dogmatisme, de manière à approcher le phénomène religieux dans toute sa diversité, que je me suis toujours attaché à intéresser les élèves de ce fameux lycée catholique à l'ensemble des manifestations du phénomène religieux, qu'il s'agisse d'animisme ou de polythéisme, ces deux acceptions de la religion étant, et de loin, les plus répandues dans le monde, et de toute évidence, les plus anciennes.

Malheureusement pour elles, les religions vont se trouver très vite confrontées à d'autres courants de pensée, dont certains fort contestataires à leur égard, comme le courant scientifique, qui allait constituer, selon moi, le deuxième pilier de toute culture générale bien comprise, les arts représentant le troisième volet du triptyque.

Voilà qui allait m'amener à élaborer à l'intention de mes élèves des quiz de culture générale portant sur une multitude de questions absentes des programmes scolaires mais dont la connaissance allait constituer ce mur invisible et pourtant discriminant entre gens cultivées et gens incultes.

Et j'affirme que s'il y a une source majeure d'inégalité dans le système scolaire, c'est précisément là qu'elle réside, à savoir dans l'incapacité de l'école à combler le fossé existant entre enfants nés de milieux cultivés et enfants dits de milieux défavorisés.

Mais j'entends d'ici les objections : nos villes modernes fourmillent d'institutions censées combler toutes ces inégalités ; à chacun d'en profiter, puisque beaucoup d'entre elles sont libres d'accès, voire gratuites : les bibliothèques et médiathèques sont accessibles à tous, les conservatoires municipaux de musique offrent l'enseignement de la musique à tous les sujets intéressés et pour pas cher, même si les places sont rares ; les musées sont souvent accessibles à des conditions de prix abordables, quand certains ne sont pas carrément gratuits, comme la plupart des musées de la Ville de Paris, etc.

C'est dire si l'école ne peut pas tout faire et qu'il incombe aussi aux citoyens de se prendre en charge car l'ascenseur social ne vous hissera vers le haut qu'à la condition que vous veuillez bien commencer par y monter ! Tout cela, j'en suis conscient. Il n'empêche que certains sujets ont souvent besoin d'un coup de pouce, à l'instar de cette fillette à qui je donnais des cours à domicile, à Massy.

J'encourage l'enfant à prendre une carte d'abonnement à la bibliothèque municipale quand la mère me fait observer qu'il n'y a pas de bibliothèque dans les environs.

- Mais si, vous en avez une, juste là, sur la place.

- Vous voulez dire la place du marché ?

- Mais oui ! Il y a bien une bibliothèque.

- Ben, vous vivez à Paris et nous, on vit dans le quartier, je vous assure qu'il n'y a pas de bibliothèque ici.

Dans ma tête, il s'agissait bien d'une bibliothèque, mais vérification faite, il y avait écrit sur la façade du bâtiment non pas "Bibliothèque municipale" pas bien "Médiathèque municipale". J'ai donc dû expliquer à cette famille que "médiathèque" et "bibliothèque", c'était la même chose...

Messieurs et Mesdames les maires, pensez à faire savoir à vos administrés que "médiathèque" et "bibliothèque", c'est la même chose, car tout le monde ne le sait pas forcément !

Et, dès ma visite suivante, la fillette m'a présenté avec fierté sa toute nouvelle carte d'abonnée aux services de la médiathèque municipale, ainsi que la petite montagne de bouquins qu'elle avait pu emprunter sans bourse délier.

Il se trouve que, dans les temps anciens, une bonne culture générale s'appuyait essentiellement sur la pratique de la lecture. De nos jours, les jeunes disposent d'une multitude de sources diverses et variées, dont beaucoup sont numériques et tournent autour du multimédia. Raison de plus pour être plus exigeant à leur égard. C'est ainsi que mes cours de culture religieuse comportaient toujours une interrogation de culture générale dont je présente ici deux échantillons.

 

 

 

 

                  la suite...
 
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