Header image  
   
  RETOUR ::
 

 

C'est l'histoire d'un euphémisme, voire d'une euphémisation, comme non-voyant au lieu d'aveugle, mal-entendant au lieu de sourd, technicien(ne) de surface au lieu d'agent de nettoyage ou de femme de ménage. En l'occurrence, nous voici face aux zones urbaines sensibles et autres cités..., quartiers... Je pense à Fadela Amara, qui n'a jamais su vraiment les appeler. Elle disait les quartiers, sans autre précision.

Autres euphémismes : immigré, immigration ou issu de l'immigration. Cette dernière expression tend à distinguer, sans oser le dire, mais tout en le disant, le Français de souche du Français né de parents non français. Curieusement, moi qui ai un peu voyagé, je ne retrouve pas ces expressions dans d'autres langues européennes. Par exemple, les Allemands parlent volontiers d'Ausländer (étranger) ou de Gastarbeiter (travailleur venu d'ailleurs).

Lu sur le site de RFI :

Le tout nouveau rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) brosse la situation des immigrés vivant dans les quartiers. Pour la première fois, le document contient des données précises, et souligne notamment le phénomène de ghettoïsation qui touche ces populations.

Le constat est impressionnant : plus d'une personne sur deux vivant dans les quartiers sensibles est issue de l'immigration. Le chiffre monte à 64 % dans les zones défavorisées de la région parisienne.

Les Maghrébins sont les plus nombreux à y vivre. Le rapport montre qu'il s'agit d'une population jeune, plus de la moitié des habitants ayant moins de 24 ans. Et le chômage y est plus important qu'ailleurs : 19% chez les premiers arrivants et 28% parmi leurs descendants. En revanche, l’écart entre le taux de chômage dans les Zus et le reste du territoire ne se creuse pas.

Plus de la moitié des personnes qui travaillent dans les banlieues sensibles sont ouvriers et, sans surprise, seulement près de 4% sont des cadres. Et la part « des immigrés ayant plus de 1 500 euros par mois est inférieure au reste de la population », souligne l’Onzus. Dans ces quartiers, la population est aussi plus fragile qu'ailleurs. (…)

L'étude pointe également l'énorme ghettoïsation de ces quartiers : 85% des immigrés ont pour voisins des immigrés. Enfin parmi eux, 80% de ceux qui résident dans les quartiers sensibles ont un conjoint issu de l'immigration.

Donc, quartier sensible signifie quartier stigmatisé par une forte concentration d'immigrés, notamment africains, avec prépondérance des familles nombreuses ainsi que du chômage, notamment chez les descendants des immigrés, et c'est là que ça devient intéressant. Parce que pour l'immense majorité d'entre eux, ces descendants sont nés en France et sont censés avoir un niveau d'instruction bien plus élevé que celui de leurs parents.

Le fait est que je ne connais aucun quartier "sensible" ne répondant pas à cette grille typologique. Et pourtant, on continue, dans la presse comme dans le monde politique, à jouer de l'euphémisation, alors que l'on voit bien, comme je l'ai montré dans cette autre cité peuplée de deux tiers d'étrangers (cf. "Une perle"), que le critère le plus pertinent pour décrire les difficultés de certains quartiers dits sensibles n'est pas l'origine endogène (française ou européenne) ou exogène de leurs habitants mais bien leur niveau d'instruction.

Autre observation : si je prends cent sujets, connus de moi-même, âgés de plus de vingt ans, nés de parents africains et préparant un diplôme de deuxième ou troisième cycle universitaire, je suis à peu près certain d'y retrouver entre 95 et 98 sujets dotés de passeports africains, c'est-à-dire venus en France pour y poursuivre leurs études. En clair, la proportion d'étrangers parmi les thésards nés de parents africains approche les 100 %. Mais à l'inverse, si je prends cent sujets connus de moi-même, âgés de plus de vingt ans, nés en France de parents africains, j'estime à moins du tiers la proportion des titulaires d'un simple diplôme de l'enseignement supérieur, avec une écrasante majorité de CAP et de BEP.

En d'autres termes, et ce devrait être facile à vérifier, parmi les jeunes "Africains" titulaires d'un diplôme universitaire, on trouve bien plus de ressortissants étrangers que de sujets nés en France.

Étonnant non ?

Voilà ce que moi, j'appelle un stigmate : ce qui est déterminant chez ces Africains, ce n'est pas le standing du pays de naissance mais bien le standing socio-économico-intellectuel des parents.

Mais j'en vois d'ici qui vont sursauter et penser : "mais en quoi le standing socio-économico-intellectuel des Africains nés en Afrique serait-il supérieur à celui des Africains nés en France ?". Et à cela, je répondrais volontiers ceci : "Mais en rien du tout : parmi les migrants africains vivant en France, on trouve une majorité de catégories socio-professionnelles à faible niveau d'instruction et de revenus, tout comme parmi les étudiants africains inscrits dans les universités françaises."

Et c'est là que ça devient passionnant. Parce qu'il va bien falloir identifier le(s) marqueur(s) permettant d'expliquer la dichotomie entre les parcours de deux populations d'origine (parentale) modeste, et dont l'une (les Africains venus en France pour y poursuivre leurs études) va s'illustrer dans l'enseignement supérieur et l'autre (des Français nés de parents africains) va se contenter majoritairement de diplômes du type CAP ou BEP, voire pas de diplôme du tout, ce qui explique le fort taux de chômage relevé par le rapport cité plus haut.

Un début d'explication se trouve peut-être dans le témoignage qui suit :

orientation

"Comme j'avais une tête d'Arabe, l'instituteur était persuadé que j'étais idiote."

La série de parcours réussis publiée dans Le Parisien en 2007 a révélé une impressionnante proportion de personnes d'origine africaine et ayant poursuivi des études supérieures malgré les tentatives de leurs enseignants de les orienter vers les filières classiques vers lesquelles s'agglutinent souvent les enfants issus de l'immigration : autant je puis affirmer que très peu d'Africains viennent de leur pays d'origine pour la France, avec l'intention d'y passer un CAP, autant je suis impressionné par la proportion de sujets d'origine africaine que l'on croise dans les lycées professionnels français, proportion qui, à vue de nez, pourrait approcher les 50 %.

"Comme j'avais une tête d'Arabe, l'instituteur était persuadé que j'étais idiote", autant dire, selon lui, juste bonne pour une filière professionnelle, de celles vers lesquelles sont dirigés tous les sujets nuls en maths, en français, en langues étrangères, etc.

reussite

"On a voulu m'orienter vers un BEP de plomberie..."

Et c'est là qu'intervient le faible niveau d'instruction des parents, lesquels, lorsqu'ils sont de condition modeste, ne sont pas intellectuellement outillés pour faire face à l'institution scolaire, lorsqu'elle décide unilatéralement de l'orientation d'un enfant. Tout le contraire des parents de cette jeune fille :

deesse

deesse

deesse

"Travailler toute seule et quand je ne comprends pas, je pose des questions à mes parents."

J'évoquais plus haut les marqueurs de la dichotomie entre les parcours de sujets nés de parents africains d'origine modeste. Si l'un de ces marqueurs est fait de stéréotypes conduisant les enseignants à diriger massivement certains jeunes vers les filières professionnelles, un autre marqueur, probablement le plus important, est le haut niveau d'instruction des parents, auprès desquels l'enfant va pouvoir s'informer à bonne source, comme ici la jeune Déesse, née d'un père enseignant-chercheur en biologie et d'une mère titulaire d'un BTS de comptabilité.

Autre indice : Déesse est la cadette d'une fratrie de... trois enfants, quand, dans tant de familles (dont beaucoup sont monoparentales) "issues de l'immigration", les enfants se marchent littéralement dessus, s'entassent à six, sept..., neuf..., voire plus, dans deux chambres et une salle à manger convertie en chambre à coucher le soir, se retrouvant dans l'impossibilité de s'isoler pour lire, étudier, faire des devoirs..., toutes choses qui expliquent une forte propension à échouer à l'école.

Et les conséquences ce ce phénomène sont abruptes : effondrement du niveau général des écoles, collèges et lycées fréquentés par une certaine catégorie d'élèves, les classes dites moyennes préférant retirer leurs enfants de ce genre d'établissements. Par ailleurs, les manifestations de l'effondrement scolaire de certains enfants sont parfaitement mesurables, ainsi que le rappelle un linguiste ci-dessous :

echec_scolaire

Jusqu'à cinq années d'écart en termes de niveau scolaire entre deux élèves de CE1.

Mais c'est là que notre linguiste tombe à son tour dans l'euphémisation, lorsqu'il affirme qu'il y a des inégalités considérables entre les enfants au début de la scolarité... Et c'est là que je récuse cette formule, notre linguiste confondant visiblement la conséquence et la cause. Ici, de toute évidence, le faible niveau scolaire de certains enfants n'est qu'une conséquence de quelque chose d'autre et de bien plus préoccupant : l'indigence intellectuelle des parents, dont les "experts" en sciences de l'Éducation se moquent éperdument ! Les inégalités n'apparaissent, donc, pas du tout au début de la scolarité mais bien plus en amont : dans les différences parfois considérables existant dans le bagage intellectuel des parents.

Les exemples sont pourtant là, criants de vérité : à titre d'exemple, une petite Africaine née de parents titulaires de diplômes de l'enseignement supérieur aura toujours plus de chances de réussir sa scolarité que l'enfant de stars du cinéma vivant à Beverly Hills ou dans les beaux quartiers de Paris, Nice ou Cannes, tant il est vrai qu'on peut aisément constater que les enfants de stars du cinéma ou de la chanson ne font pas d'études du tout. C'est dire le poids de la famille et du niveau intellectuel des parents ; sinon, pourquoi parler d'atavismes !

Mais je vois que je n'ai pas répondu à une interrogation formulée plus haut : dès lors que l'on peut vérifier qu'entre 95 et 98 % des sujets nés de parents africains et soutenant une thèse de doctorat dans une université française ont conservé leur nationalité d'origine et que ces mêmes sujets sont nés de parents d'origine modeste, comment expliquer que les petits Africains nés en France de parents dont la condition est en tous points similaire à celle des sujets évoqués plus haut, soient si peu nombreux à réussir dans le supérieur ?

Pour commencer, insistons sur le fait qu'à la différence de l'Europe, en Afrique, la famille nucléaire n'existe pas, l'enfant vivant parmi toute une escouade de cousins, oncles, tantes, grands-parents. Et dans un tel contexte, les sujets ne sont jamais réduits à une confrontation avec leurs seuls parents biologiques. Et, du coup, une réelle synergie existe au sein des familles élargies, ce qui fait qu'un enfant en difficulté scolaire pourra toujours compter sur le soutien d'un oncle ou d'une tante, voire d'un simple voisin, là où, ailleurs, dans un environnement moins solidaire, les parents sont plus souvent livrés à eux-mêmes.

Observons, par ailleurs, que les étudiants africains poursuivant des études en Europe arrivent généralement déjà munis d'un Baccalauréat voire d'une licence ou d'une maîtrise. C'est donc une population ayant déjà franchi un certain nombre de sélections, et pour laquelle l'accès à un diplôme de troisième cycle ne posera généralement que peu de problèmes, le tout au milieu de difficultés matérielles indéniables (ex. retards dans le versement des bourses, difficultés à se loger, etc.). Pour être tout à fait rigoureux, il faudrait comparer les "Africains" titulaires du BAC selon qu'ils sont nés en Europe ou sont venus d'Afrique après leur BAC, ce qui permettrait de voir si, selon que l'on entame sa scolarité en Europe ou en Afrique, l'on a plus ou moins de chances de réussir dans le supérieur en Europe.

Le fait est que les "Africains" qui soutiennent une thèse de doctorat en France sont - en tout cas ceux que je connais -, pour l'immense majorité d'entre eux, nés en Afrique voire titulaires de passeports africains, ce qui veut quand même dire quelque chose : les jeunes Africains nés en France sont peu nombreux à effectuer de très hautes études, ce qui n'est pas si incongru que cela, quand on pense à une autre population : les ressortissants des DOM-TOM.

En effet, il peut être vérifié que les Antillais, Guyannais ou Réunionais..., lorsqu'ils accèdent à l'enseignement supérieur, optent généralement pour des filières courtes du type BTS ou DUT. Et même chez les Français de métropole, le diplôme d'ingénieur et la thèse de doctorat restent des filières réservées à une petite frange de la population : les sujets nés de parents instruits à très instruits, conformément à une norme bien connue, celle de la (de l'auto-)reproduction des élites.

Il suffit, pour le vérifier, d'étudier le pedigree de nos députés, sénateurs, ministres...

 

À suivre...

 

Lien

       
Free Web Hosting